Accueil > Pédagogie > Français > "Le Quatrième Mur", au cinéma Abel Gance

"Le Quatrième Mur", au cinéma Abel Gance Malik Berte & Ibtoihoiu Said Mdhaoma

par jmontagne

Le lundi 2 juin 2025, nous sommes allés, avec la classe de 4eE, deux classes de 3e et le groupe des élèves UPE2A, au cinéma Abel Gance. Nous y avons vu le troisième et dernier film du dispositif Collège au cinéma, Le Pays des sourds, ainsi qu’un second film, Le Quatrième Mur dans le cadre d’un projet autour de l’éloquence en 3e.

Le Quatrième mur est un film de David Oelhoffen, adapté du roman de Sorj Chalandon (paru en 2023) portant le même titre. Il raconte l’histoire de Georges, qui reçoit une étrange mission de son ami mourant, Sam : monter la tragédie Antigone (dans la version d’Anouilh) à Beyrouth, en pleine guerre civile, avec des acteurs issus de tous les camps ennemis du Liban afin de réunir le peuple en guerre sur scène durant une représentation unique.
Georges accepte cette tâche à contrecœur et part pour le Liban. Antigone, c’est l’histoire d’une jeune femme qui brave l’interdit et célèbre les funérailles de son frère ; elle finit arrêtée et condamnée à mort pour avoir braver la loi de Créon, celle des hommes, pour accomplir celle des dieux. Chez Anouilh, c’est une lutte avec l’autorité des hommes et non le pouvoir des dieux comme chez Sophocle. Cette pièce a été choisie précisément pour sa portée universelle et le film en est une nouvelle réécriture.
Georges réussit à convaincre tous les acteurs de jouer ensemble après les avoir rencontrés ainsi que leurs familles ; il ira même jusqu’à rencontrer un mollah afin que celui-ci accepte que l’un des acteurs poursuive les répétitions, sur une scène symbolique installée à la frontière entre l’Est et l’Ouest de Beyrouth, pour incarner la neutralité. Il finit même par tomber amoureux d’Imane, l’actrice principale qui interprète Antigone, ce qui le pousse à vouloir rester et s’engager davantage dans le projet.
Pendant une large partie du film, on a l’espoir que Sam réussisse à jouer cette pièce. Mais le rêve théâtral tourne à la tragédie sanglante. Après un attentat raté contre l’ambassadeur israélien à Londres, revendiqué par un groupe islamiste, Israël décide d’envahir le Liban et confie le pouvoir aux milices chrétiennes. S’ensuit un massacre. Imane est tuée. Georges, anéanti, perd toute raison. Il revient quelque temps plus tard au Liban et assassine le frère d’un des acteurs chrétiens, qu’il tient pour responsable du massacre d’Imane, poussé par le père d’un des jeunes acteurs défunts. Il tente de fuir, l’aéroport étant bloqué, mais il est arrêté par des opposants. Dans une dernière scène bouleversante, Georges récite des vers d’Antigone en sortant délibérément, et c’est sur ce moment que le film se clôt, quand il fait face à son destin, à la fatalité et aux tirs qui vont l’anéantir.
C’est un film génial, poignant, bouleversant, à absolument voir si vous souhaitez comprendre les tensions géopolitiques du Liban ou tout simplement si vous aimez les histoires puissantes qui vous transportent dans un autre univers, ici en l’occurrence un monde en guerre. Le Quatrième mur nous plonge dans une guerre fratricide, dans l’espoir fou que l’art puisse réconcilier des peuples ennemis. À voir au moins une fois dans sa vie. Le seul point négatif que l’on pourrait relever : quelques sons parfois trop brusques.

(Image libre de droits, Pixabay, 12 juin 2025)